• "Elastique" (début)

     

     

     " Elastique "(extrait d'un texte inédit)

     

    Offert en lecture enregistrée à la Cité Bibliothèque de Luxembourg pendant le confinement : 

     

     

    Ecouter le texte entier : ici

     

     

     

     

    Quand j’étais petite, je croyais que dans mon cœur, il n’y avait de la place que pour deux grandes personnes : Papa et Maman.

     

    Et puis... j’ai eu un petit frère.

     

    Je suis entrée à l’école.

     

    Peu à peu, j’ai découvert que le cœur est comme une sorte de maison élastique dont les parents sont les murs les plus solides, les plus importants, mais où on peut inviter aussi d’autres gens : son papy, sa mamie, son parrain, sa marraine, ses cousins, ses copains d’école… Bien sûr, ils n’habitent pas toujours là, mais on sait que la porte est ouverte et qu’ils peuvent venir s’asseoir là, dans le cœur, un petit moment avant d’en ressortir ; ils y ont leur petit coin, leur place.

     

    Je grandissais bien et mon cœur maison élastique grandissait avec moi.

    Je pouvais y accueillir de plus en plus de gens.

    Entre temps, un de mes papis et une de mes mamie étaient morts et j’avais découvert que je pouvais les garder eux aussi toujours là, près de moi, dans mon cœur, au milieu des autres vivants, rien qu’en pensant à eux. Ils avaient toujours leur place et leurs habitudes dans la maison de mon cœur, sauf que mes yeux ne les voyaient plus. C’était un peu comme si je les sentais bouger très doucement dans la pièce d’à côté, une pièce fermée à clé où je ne pouvais pas aller mais où, à de tout petits signes, je savais qu’ils étaient là et qu’ils allaient bien.

     

    J’ai encore grandi et mon cœur a continué à grandir, lui aussi.

    Je n’en revenais pas de voir combien c’est élastique, un cœur, et tout le monde qu’on peut abriter dedans sans que personne s’y sente à l’étroit. Plus vous invitez de monde, plus votre cœur s’élargit, c’est magique !

    En plus des vivants et des morts, je me suis mise à inviter aussi dans mon cœur les arbres, les fleurs, le soleil, la pluie, le vent, les animaux, les nuages, les saisons… et tout ce petit monde vivait content à l’intérieur de moi, sans manquer de rien, sans se disputer.

     

    Mais un jour, une grosse bombe est tombée, PAF !...en plein sur la maison de mon cœur.

    Une grosse bombe terrible qui a fait voler en éclats tous les murs, toutes les fenêtres, toutes les portes de ma maison élastique. Qui l’a déchirée en mille petits morceaux coupants, brûlants et tout dégoulinants de sang.

    Moi je croyais qu’un cœur ça ne peut pas se briser, puisque c’est élastique.

    Mais si.

    Quand on tire trop fort sur un  élastique, il se casse.

    C’est ce qui était arrivé au mien.

     

    Je n’avais plus de maison.

    Plus de cœur.

    Je n’étais plus qu’un tas de petites miettes fumantes crachées en l’air par une grosse explosion.

    Je n’avais plus de maison, en fait je n’avais plus de moi.

    J’étais comme un puzzle dont je ne savais pas comment recoller les morceaux.

     

    Cette bombe, ce n’est pas un avion qui l’avait lâchée sur ma maison élastique où tout le monde vivait heureux, avant. Cette bombe, c’est le jour où mes parents nous ont appelés dans le salon, mon petit frère et moi, pour nous annoncer qu’ils ne s’aimaient plus et qu’ils ne voulaient plus vivre ensemble. (...)

     

     

     

     

     

    Texte placé sous copyright

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 12 Novembre 2015 à 12:47

    Texte inspirant l'énergie passe on le ressent profondément. Je suis curieux de voir ce que ca donnera avec un enfant mais en tant qu'adulte ça me donne envie de le lire :)

    2
    Jeudi 12 Novembre 2015 à 17:47

    Merci Rémy !

    J'ai eu l'occasion de le lire 2 fois devant des enfants en France, une fois devant une classe de CE2 et une autre devant des CM1. Ca a été très fort les 2 fois, des larmes sont sorties, des mots aussi, même chez des enfants pour qui l'expérience remontait loin dans le temps et paraissait "digérée", bien vécue dans le présent. On s'est pris dans les bras, adultes et enfants, on s'est parlé... Je suis sûre que tout le monde en est ressorti grandi, même ceux qui sont restés silencieux.

    Avec les adultes je ne sais pas, les 2 maîtresses ont été touchées, chacune à sa façon, mais je n'ai pas eu l'occasion de lire cette histoire à d'autres adultes. Tu es le premier à m'en parler. Alors merci de l'avoir fait ! <3

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